18 février 2023

La pierre-papier part à l’assaut du label ISR

Elargi aux fonds immobiliers depuis peu, le label ISR a déjà conquis plusieurs gérants de SCPI. Ils sont de plus en plus nombreux à en faire la demande. Mais les exigences sont élevées.

ISR, pour investissement socialement responsable.

Ce sigle si en vogue depuis quelque temps, et auquel les épargnants sont de plus en plus attachés, rime aussi depuis juillet 2020 avec fonds immobiliers, aussi étonnant que cela puisse paraître. Comment la pierre peut-elle être qualifiée de « responsable » ?

Pour le comprendre, il faut d’abord remonter un peu le temps. Le label ISR a été créé en 2016 par le ministère de l’Economie et des Finances. Son but est de « permettre aux épargnants, ainsi qu’aux investisseurs professionnels, de distinguer les fonds d’investissement mettant en œuvre une méthodologie robuste d’investissement socialement responsable, aboutissant à des résultats mesurables et concrets ». D’abord attribué aux OPCVM investis en actions et / ou en obligations, derrière lesquelles se « cachent » des entreprises dont l’activité peut être assez facilement « mesurable », ce label a été étendu il y a bientôt deux ans à la pierre-papier. Vingt-quatre sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), sur 110, ont déjà été labellisées ISR, certaines dès leur création (telles Iroko Zen ou Neo, de Novaxia, par exemple).

Sans surprise, elles séduisent franchement les épargnants : au quatrième trimestre 2021, elles représentaient 43 % de la collecte ! D’autant que la labellisation n’a aucun impact sur le rendement délivré, qui est de 4,43 % en moyenne en 2021 pour les véhicules ISR (voir infographie ci-dessous).

Pour obtenir le label, les fonds immobiliers doivent répondre à plusieurs critères qui s’articulent autour des trois piliers de l’ESG (environnement, social et gouvernance). « Leur nombre peut varier significativement d’une grille à une autre, pouvant aller de 9 à 140 pour certains fonds. Plus le nombre de critères est important, plus la collecte est complexe et fastidieuse, et plus la stratégie d’amélioration est diffuse, donc difficile à mettre en œuvre. Le nombre de critères moyen est de 40 en 2021, alors qu’il était de 55 en 2020 », rapporte l’Observatoire des pratiques de labellisation ISR des fonds immobiliers. Les gérants sont donc revenus à des niveaux d’exigence plus raisonnables.

Rénovation énergétique.

Sans surprise, le pilier « E » domine largement (43 % des actions, selon l’Observatoire). Le label distingue les fonds finançant la rénovation de bâti ancien pour atteindre de meilleures normes d’isolation et de performances énergétiques. Car, rappelons-le, l’immobilier est un gros émetteur de gaz à effet de serre. En 2020, l’Organisation des Nations unies elle-même avait alerté sur « les émissions de CO2 du secteur du bâtiment [qui avaient] atteint un niveau jamais vu », dix milliards de tonnes en 2019 dans le monde !

Les gérants ont deux possibilités : acheter des immeubles neufs ou récents – mais le choix est restreint et le foncier est cher – ou rénover l’existant, ce qui concerne une large majorité des SCPI, dont les patrimoines ont généralement plus de dix ans. « 75 % du patrimoine immobilier que l’on utilisera dans vingt ans est déjà construit, il est donc indispensable de l’améliorer ! », souligne Jean-Marc Peter, directeur général de Sofidy.

« Dans notre liste de 26 critères, la moitié porte sur le volet environnemental », explique Phong Hua, directeur des investissements d’Iroko Zen. « Zen correspond à Zéro émission nette. C’est un peu ambitieux, reconnaît-il. Mais c’était une volonté dès le départ. Nous avons, par exemple, entièrement équipé un entrepôt basé à Château-Thierry en LED au lieu d’ampoules classiques. » Il faut du concret, du « mesurable ». Certains gérants vont encore plus loin : « Nous réalisons une étude climatique sur chacun de nos actifs, explique Victor Breillot, responsable RSE chez Novaxia. En clair, nous analysons comment l’immeuble va subir l’impact du climat. A Toulouse, par exemple, il peut souffrir de vagues de chaleur de plus en plus fortes, au lieu d’investir dans une climatisation, hyperconsommatrice d’énergie, nous installons une toiture végétalisée, qui permet de réduire de 4 à 5 °C la température intérieure du bâtiment. »

Ce type de démarche est d’autant plus important que le décret dit « tertiaire », prévu par la loi Elan, va obliger les bâtiments à usage professionnel de plus de 1.000 mètres carrés à réduire leur consommation énergétique de 40 % d’ici à 2030 ! « Autant dire demain… », ironise Phong Hua.

Immeubles de services.

L’environnement n’est pas le seul enjeu du label ISR en immobilier. Le « S » de social est aussi un axe important. Novaxia, dont la SCPI Neo a été la première à être labellisée ISR, s’est spécialisé dès sa création dans le recyclage urbain. « Avant l’achat d’un actif, nous vérifions systématiquement s’il est transformable, en logements, en écoles, etc. », raconte Mathilde Krieger, la directrice générale.

« Chaque gérant a la possibilité de pondérer une thématique plutôt qu’une autre, explique Estelle Ginefri, responsable RSE et innovation chez Foncière Magellan, gérant de la SCPI Foncière des praticiens. Etant positionnés sur la santé, nous avons choisi de valoriser davantage le « S » de ESG. Nous investissons notamment dans des maisons médicales, qui bénéficient d’une bonne desserte de transports en commun, dans un contexte de demande accrue en matière de locaux accueillant différentes catégories de praticiens. Notre objectif est de contribuer à un système de santé pour tous. »

Le service aux locataires est le principe de base de ce pilier. « Le gérant doit être capable d’être dans le service, pour les bureaux en particulier ! Il s’agit, par exemple, d’être près des transports en commun, d’installer des accès pour les personnes handicapées, des locaux pour les vélos, des bornes de recharge pour les véhicules électriques, détaille Jonathan Dhiver, fondateur de la plateforme MeilleureSCPI.com. Avec la pandémie, le bureau stricto sensu est mort, mais le bureau avec services est né ! »

Pour cela, il faut être à l’écoute de son locataire, le « G » de gouvernance, qui représente en moyenne 24 % de la pondération. « L’ISR permet aussi de fidéliser les locataires et donc de continuer à délivrer de la performance », résume Mathilde Krieger.

« A date, le label ISR est surtout un cahier des charges », relève toutefois Jonathan Dhiver. « Pour la première phase, c’est du déclaratif, concède Jean-Marc Peter, de Sofidy. Il faut se fixer certains critères, puis faire sa demande auprès d’un labellisateur [Afnor Certification, Deloitte ou EY France], qui attribue le label pour trois ans, avec un contrôle au bout d’une année. Il est plus facile de l’obtenir que de le garder… » Pour juger de son efficacité, il faudra donc observer le marché en 2023, quand les SCPI déjà labellisées auront passé l’épreuve du premier contrôle.

Source : investir.lesechos.fr

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